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Covid 19 : Cadre juridique applicable aux voyages proposés par le CSE

Vous avez programmé ou organisé un séjour pour vos ouvrants-droit, mais votre projet est remis en cause par la pandémie de covid-19.

Pour faire face à la propagation du virus, de nombreux Etats ont en effet adopté des mesures restrictives de déplacement, voire des mesures de confinement. De telles mesures sont en vigueur en France depuis le 17 mars dernier et pour une période allant, pour l’heure, jusqu’au 11 mai. Elles pourraient être prorogées au-delà de cette date et, durant toute la période d’état d’urgence sanitaire déclarée pour une durée allant jusqu’au 24 mai 2020. 

Dans ce contexte, vos ouvrants-droit, votre comité social et économique ou même vos prestataires ont pris ou prendront l’initiative d’annuler séjours, voyages et autres prestations à caractère touristique.  D’ordinaire, il convient de distinguer selon que la prestation en question constitue ou non un forfait touristique.

Cependant, la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 dite d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (NDLR : lire l’article d’actuEL-CSE) a autorisé le gouvernement à prendre toute mesure de nature à faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, notamment en modifiant les obligations des personnes morales de droit privé tirées notamment des contrats de vente de voyages et de séjours. Et l’ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020 prise précisément à ce titre non seulement édicte des solutions inédites (NDLR : lire l’article d’actuEL-CSE), mais encore vient temporairement les harmoniser et gommer la distinction habituelle rappelée (1)

1. LES OBLIGATIONS ORDINAIRES DES PRESTATAIRES DU TOURISME : LA COHABITATION DU RÉGIME SPÉCIAL DU FORFAIT TOURISTIQUE ET DU RÉGIME DE DROIT COMMUN DES CONTRATS

a. Le forfait touristique

Pour rappel, est un forfait touristique une prestation combinant au moins deux types différents de service de voyage au sens de l’article L.211-2 du code du tourisme (hébergement, transport, location de voitures particulières, organisation de visites etc.) et dépassant 24 heures ou incluant une nuitée.
Il n’est donc pas exclu que votre comité social et économique puisse se voir appliquer la réglementation du code du tourisme relative à la vente de forfaits touristiques, à condition qu’il soit organisateur du voyage en question, et non un simple intermédiaire, mandataire de ses ouvrants-droit auprès du voyagiste.

Lorsque « des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination », l’article L.211-14 du code du tourisme prévoit que le voyagiste ou le client peut résoudre le contrat, c’est-à-dire y mettre fin, et impose le remboursement de la prestation.  

Le comité social et économique, pour la part subventionnée par lui, et tous les salariés, pour leur part respective définitivement supportées par eux, peuvent dans cette hypothèse obtenir le remboursement à l’euro près des sommes versées.

Le comité social et économique, organisateur de voyage susceptible de se voir appliquer la réglementation sus évoquée, doit, lui, rembourser chaque salarié à l’euro près.

► A l’évidence, les mesures prises pour lutter contre la propagation de covid-19 auraient été interprétées comme des circonstances exceptionnelles et inévitables de nature à rendre applicable l’article précité, si l’ordonnance du 23 mars 2020 n’en avait pas décidé autrement.

b. Les prestations de voyage ou touristiques autres

Lorsque votre comité, ès-qualités de mandataire de ses ouvrants-droit, ne souscrit pas à un forfait touristique mais opte pour des prestations séparées, les dispositions du code du tourisme précitées ne s’appliquent pas, le plus souvent.

Il est donc nécessaire ici de recourir aux règles de droit commun qu’offre le code civil en matière de contrats, ou, le cas échéant, à celles qu’offrent certaines réglementation spéciale (exemple : en matière de transport aérien). 
La pandémie de covid-19 et les mesures prises pour lutter contre la propagation dudit virus revêtent les caractéristiques de la force majeure que l’article 1218 du code civil décrit de la manière suivante :

 « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »

Et l’article 1218 du code civil de poursuivre en distinguant les conséquences de la force majeure, selon que ses conséquences soient temporaires ou définitives : « Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

En cas de force majeure faisant définitivement obstacle au transport à telle date ou l’hébergement à telle autre, l’une ou l’autre des parties au contrat peut donc mettre fin à celui-ci, sans engager sa responsabilité. Et dans ce cas, le voyageur a droit à un remboursement des sommes payées

A l’évidence là encore, c’est ce dispositif de droit commun qui aurait dû trouver à s’appliquer aux prestations touristiques commandées ou organisées par votre comité sur ces temps troublés, si l’ordonnance du 23 mars 2020 n’en avait pas décidé autrement. 

2. LES OBLIGATIONS EXCEPTIONNELLES ET TEMPORAIRES DES PRESTATAIRES DU TOURISME : LE DISPOSITIF MIS EN PLACE EN RAISON DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE LIÉ AU COVID-19

Afin de prévenir la faillite des entreprises du secteur touristique, le gouvernement a été autorisé, rappelons-le, par le Parlement à prendre toute mesure de nature à faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, notamment en modifiant les obligations des personnes morales de droit privé tirées notamment des contrats de vente de voyages et de séjours. 

L’ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure a précisément été prise dans le cadre de cette autorisation.

Comme annoncé, le dispositif qu’elle prévoit ne distingue pas selon que le service de voyage intègre ou non un forfait touristique. Autrement dit, qu’il s’agisse d’un forfait touristique ou d’une prestation de voyage isolée, une unique solution, dérogatoire et temporaire, de nature à pallier les conséquences de la propagation de covid-19, consistant en la proposition d’un avoir correspondant au(x) paiement(s) d’ores et déjà effectué(s).

Comment ça marche ?

Le dispositif d’avoir concerne toutes les demandes d’annulation qui pourraient être faites entre le 1er mars et le 15 septembre 2020.
L’ordonnance ne se réfère nullement à la date d’exécution de la prestation de sorte que votre comité pourrait parfaitement solliciter le bénéfice du dispositif d’avoir, s’il est organisateur, ou se le voir imposer, s’il est intermédiaire, pour une prestation qui s’exécuterait postérieurement au 15 septembre 2020.
Seule compte la date de notification de l’annulation, qui d’ailleurs a pu intervenir avant même l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 25 mars dernier.
La notification d’annulation, qu’elle provienne du prestataire de voyage ou du voyageur, n’a nullement à être motivée. Toutefois, en pratique, nous vous invitons à évoquer dans votre demande d’annulation ou information d’annulation, la crise sanitaire actuelle liée au covid-19.

Dans un délai de 30 jours suivant la notification de la résolution du contrat (ou, si la notification de résolution est intervenue avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, au plus tard le 26 avril 2020), le prestataire doit informer le client qu’il entend bénéficier du dispositif dérogatoire de l’avoir.

L’information doit contenir les précisions suivantes :

  • le montant de l’avoir, étant précisé que celui-ci est égal à l’intégralité des paiements effectués au titre du contrat résolu;
  • l’information selon laquelle une proposition de prestation identique ou équivalente valable 18 mois sera adressée au client, sous 3 mois à compter de la résolution, soit au plus tard au 26 juin 2020 pour les résolutions intervenues avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Et dans un délai de 3 mois suivant la notification de la résolution du contrat (ou, si la notification de résolution est intervenue avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, au plus tard le 26 juin 2020), le prestataire doit faire offre de contrat aux conditions suivantes :

  • la prestation doit être identique ou équivalente à la prestation prévue par le contrat résolu;
  • son prix ne doit pas supérieur à celui de la prestation prévue par le contrat résolu;
  • elle ne doit donner lieu à aucune majoration tarifaire autre que celle prévue, le cas échéant, par le contrat résolu.

Naturellement, la prestation de substitution devra être réalisée par un professionnel satisfaisant aux conditions légales d’immatriculation, d’assurance et de garantie financière exigées en matière de vente de séjours.

Le professionnel doit maintenir sa proposition aux mêmes conditions pendant 18 mois, durée dont dispose le client pour l’accepter ou la refuser.

A défaut d’accord trouvé à l’expiration de ce délai, le professionnel devra rembourser l’intégralité des paiements effectués.

Le client pourra demander à bénéficier d’une prestation dont le prix sera différent de la prestation initiale. 

Deux hypothèses doivent être distinguées : 

  1. en cas de prestation de qualité et de prix supérieurs au montant de l’avoir : le client devra s’acquitter d’une somme complémentaire ;
  2. en cas de prestation différente d’un montant inférieur au montant de l’avoir : le solde de cet avoir restera utilisable selon les modalités prévues par l’ordonnance, jusqu’au terme de la période de validité de l’avoir.

Aucune sanction n’a été fixée par l’ordonnance. Ceci étant dit, nous pouvons raisonnablement penser que le défaut d’information dans les délais et formes prescrites ci-dessus sera sanctionné par l’obligation pour le prestataire de rembourser le client du montant de la prestation versé. 

Il est donc impératif que votre comité, s’il est organisateur et qu’il souhaite user de la faculté dérogatoire de proposer un avoir, en informe ses ouvrants-droit dans les plus brefs délais, puis respecte scrupuleusement le second délai de 3 mois pour proposer une nouvelle prestation. En pratique, nous recommandons de le faire par lettre recommandée avec accusé de réception électronique ou par courriel avec accusé de réception lorsque cela est possible.

Par ailleurs, les comités, intermédiaires, sont déjà nombreux avoir remboursé leurs ouvrants-droit de leur reste-à-charge, lorsqu’ils récoltaient les fonds, alors que ceux-ci ont été par ailleurs versés au prestataire. Peut-être même, votre comité, a-t-il procédé à pareil versement alors que vos ouvrants-droit s’étaient directement acquittés de leur reste-à-charge entre les mains du prestataire.

Dans les deux cas, nous vous invitons à réclamer de vos ouvrants-droit qu’ils attestent individuellement du versement opéré en précisant bien le montant et consentent à ce que vous les subrogiez dans leur droit d’accepter ou non l’avoir qui pourrait être proposé par le prestataire.

En conclusion, le dispositif dérogatoire de l’avoir permet un report de l’exécution de la prestation et, à défaut d’accord du voyageur, une suspension de l’obligation de rembourser.

(1) A noter, que les dispositions dérogatoires de l’ordonnance du 25 mars 2020 seront caduques si le gouvernement n’a pas déposé un projet de loi de ratification devant le Parlement avant le 27 mai prochain.

Attention, la vente sèche de titre de transport et la location de meublés saisonniers sont exclues de ce dispositif 

A titre d’exemple, l’annulation de billet(s) d’avion, acheté(s) seul(s) auprès d’une compagnie aérienne, demeure aujourd’hui régie par les dispositions du Règlement (CE) n°261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, ainsi que la Convention de Montréal du 28 mai 1999 sur la responsabilité des transporteurs aériens. Et l’annulation de billet(s) d’avion, acheté(s) quant à lui/eux auprès d’un intermédiaire type Opodo ou Lastminute, demeure, elle, régie par l’article 1218 du code civil. 

Le voyageur a donc droit à remboursement du billet, mais plus encore, seul le droit à indemnisation forfaitaire restant neutralisé du fait de la force majeure comme le prévoit le règlement européen. 

De même, l’annulation de titre de transport ferroviaire demeure régie par le Règlement (CE) nº 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires.

Voir sur ces sujets la communication de la Commission européenne du 18 mars 2020 relative aux orientations interprétatives relatives aux règlements de l’UE sur les droits des passagers au regard de l’évolution de la situation en ce qui concerne le covid-19, et qui rappelle les obligations des transporteurs en cas d’annulation.

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Par Bettina Ferreira-Houdbine, Avocate