NOUS CONTACTER

Le télétravail, ne pas minimiser les risques professionnels !

Tout d’abord, il faut rappeler qu’au départ, pour les employeurs, le télétravail était avant tout une opportunité de réduction des coûts immobiliers.

Depuis quelques années, les aménagements en open-space voire en flex-office apportent leur lot de désagréments : espaces de travail très réduits et nombre de bureaux inférieur au nombre de salariés. Ces formes d’aménagement impactent négativement les conditions de travail : nuisances sonores, difficulté à se concentrer, déshumanisation des espaces de travail, surveillance accrue, etc. 

Ainsi, pour compenser le nombre de mètres carrés limités, les employeurs mettent en place de plus en plus d’accords de télétravail. Ils ont à ce sujet un discours très positif notamment sur leur volonté de prendre soin de l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle des salariés, nous y reviendrons. 

Pour les salariés, le télétravail comporte deux avantages. L’un étant d’éviter les transports en commun et la fatigue qui va de pair. L’autre étant de s’extraire d’un espace de travail contraignant qui ne leur permette pas de travailler dans de bonnes conditions. 

En effet, lors de notre travail de terrain, nous entendons beaucoup de salariés évoqués les désagréments de ces formes d’aménagement spatial : une forte proximité, des nuisances sonores et lumineuses, une surveillance accrue, un trouble de la concentration, des tensions entre salariés, etc., avec tout son lot d’atteintes à la santé : maux de tête, stress, épuisement… 

Or, le télétravail comporte aussi des risques professionnels. 

Le risque d’une intensification du travail est à prendre au sérieux. Le temps de travail n’étant plus encadré par un début et une fin de journée, les heures de travail à la maison peuvent être plus flexibles. En effet, les salariés évoquent souvent se mettre devant leur ordinateur à l’heure où ils partaient au travail, ne plus prendre de pause déjeuner, ne plus prendre quelques minutes pour discuter avec un collègue. D’autres évoquent s’arrêter un temps, mais reprendre le soir après le dîner. Ce contexte rend poreuse la frontière entre la vie personnelle et professionnelle, ce qui a des impacts sur la récupération physique et psychologique des salariés. 

Le travail à distance est une organisation du travail qui repose essentiellement sur l’accès aux nouvelles technologies. Elles ont permis une organisation du travail sur la base d’une réactivité immédiate, répondre tout de suite à un mail est la règle, tout devient urgent. Il faut sans cesse interrompre une tâche pour en exécuter une autre, cela vient fragmenter l’activité. La masse d’informations est telle que certains salariés se plaignent de ne pas être en mesure de traiter la quantité. Ces mails laissés en attente viennent s’empiler à un quotidien souvent bien chargé.  L’intensification du travail est bien réelle. 

Le collectif de travail est fragilisé alors que l’inclusion dans un collectif de travail est vecteur de santé au travail. Même si les nouvelles technologies permettent de communiquer à distance, les échanges se font de manière très formelle. En effet, on organise un appel téléphonique en cas de besoin précis. Ainsi, les échanges informels sont fortement réduits. L’isolement peut se ressentir, être coupé d’un collectif de travail peut avoir des conséquences sur la santé. De plus, réduire les échanges informels c’est nier l’apprentissage collectif au travail, ne plus se donner les ficelles, les astuces pour travailler. C’est oublier que le travail d’un salarié ne peut se résumer à un acte individuel et isolé, mais qu’il repose sur des interactions et des coopérations fortes entre plusieurs salariés.  

Les modes de management doivent être interrogés pendant les périodes de télétravail. Le télétravail est peu apprécié par certains managers, car le doute subsiste sur le travail réalisé sans le contrôle de la hiérarchie. Le doute et la suspicion peuvent avoir des conséquences néfastes sur les modes de management. Ainsi certains managers accentuent fortement les modes de contrôles. Les salariés peuvent être sollicités par email ou par visioconférence plusieurs fois par jour pour contrôler notamment leur réactivité. Des rapports plus conséquents peuvent être exigés. La pression quotidienne constitue une source de stress importante. 

La situation que nous vivons, notamment pour les salariés en télétravail, est inédite. Cette situation doit nous interroger sur l’après. Pendant ce confinement, les salariés ont souvent ressenti des formes d’isolement importantes, isolés de leurs proches, mais aussi de leurs collègues de travail. Un isolement subi et non choisi qu’il faudra sans aucun doute accompagner psychologiquement lors du retour à la normale. 

Certains salariés ont subi une surcharge de travail quand d’autres sont en sous-charge, les deux créant des facteurs de risques psychosociaux.  

La frontière poreuse entre la vie personnelle et professionnelle a pu d’autant plus se distendre pendant cette période où l’ensemble des familles sont au même endroit et cumule tous les rôles à la fois. Certains salariés ont dû s’adapter aux situations et travailler au moment où ils le pouvaient, le matin très tôt, le soir, etc. Sur plusieurs semaines, ces situations ne sont pas anodines pour la santé. 

Les employeurs auront testé le télétravail à grande échelle. L’après verra-t-il un développement du télétravail ?  Nous alertons les élus sur les conditions du télétravail qui certes peuvent apporter quelques éléments de confort pour les salariés, mais provoquent également des risques professionnels non négligeables. Il faudra à notre sens rester très vigilants sur la négociation des futurs accords et notamment sur les effets d’intensification du travail, des différents temps sociaux, du collectif de travail, les modes de management, autant de sujets à ne pas négliger.