NOUS CONTACTER

Les salariés du monde associatif entre austérité budgétaire et inflation des besoins sociaux

Le 11 octobre, les acteurs du monde associatif ont manifesté dans toute la France pour exprimer leur inquiétude face à une injonction contradictoire devenue presque insoluble : répondre à des besoins sociaux croissants avec des moyens en diminution constante.

Les raisons de ce recours accru aux associations sont multiples et pourraient encore s’amplifier dans le contexte actuel : vieillissement de la population, hausse du nombre de personnes précarisées, crise du logement… Par ailleurs, une part grandissante de la mise en œuvre des politiques publiques a été déléguée ces dernières années aux associations, à travers la commande publique, la délégation de service public ou encore la tarification. Loin d’être marginal, ce transfert concerne la moitié de la dépense publique en faveur du monde associatif : celui-ci constitue désormais un rouage essentiel de l’intérêt général.

Côté ressources, les associations figurent parmi les premières touchées par les coupes budgétaires de l’État et des collectivités territoriales. En 2023, les financements publics ont représenté 53 milliards d’euros, soit 45 % du budget total du secteur, devant la vente de biens et services et les cotisations des adhérents ; les dons, quant à eux, ne pèsent que 6 %. Cette dépendance varie fortement selon les domaines : près de 70 % pour les associations d’hébergement social et médico-social, contre moins de 30 % pour celles œuvrant dans le sport et les loisirs.

Aujourd’hui, l’incertitude entourant les budgets publics fragilise tout le tissu associatif : baisse de visibilité, retards de versements – certaines associations devant même avancer la trésorerie pour réaliser des missions de service public déléguées ! – et annonces de coupes dans les subventions. Cette recherche d’économies a conduit le premier ministre fin 2024 a commandé une  Revue des dépenses publiques en direction des associations, auprès de l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), revue remise en juillet 2025. Ce rapport identifie entre 1 et 3 milliards d’euros d’économies potentielles. Même si aucune dépense « manifestement inutile ou en doublon » n’a été constatée, des pistes d’ajustement ont été évoquées, notamment la réduction des dépenses des collectivités en dehors de leurs champs de compétence, ou encore un allègement des avantages fiscaux liés aux dons et au mécénat.

Une enquête menée en mars 2025 par l’Observatoire régional de la vie associative (ORVA) des Hauts-de-France, à la demande du Mouvement associatif, du Réseau national des maisons des associations (RNMA) et d’Hexopée, illustre la gravité de la situation. Sur plus de 5 000 dirigeants interrogés, la moitié signale des problèmes de trésorerie et un tiers disposent de moins de trois mois de trésorerie. Plus inquiétant encore, 38 % des associations déclarent n’avoir aucune solution pour faire face à cette fragilisation.

Les missions sociales des associations ne doivent pas occulter leur rôle d’employeurs :  1,8 million de salariés répartis dans 144 000 structures, soit 11 % de l’emploi privé ! Ces salariés subissent directement les tensions budgétaires : la masse salariale devient souvent la variable d’ajustement face à la baisse des ressources. D’après l’étude citée plus haut, 18 % des dirigeants ne remplacent plus les départs et 8 % ont déjà engagé des licenciements économiques. Seul un quart des associations interrogées exclut, pour l’instant, toute réduction d’effectifs. Les procédures collectives se multiplient également : 97 par trimestre en moyenne en 2022, contre 178 en 2023 et 179 en 2024. Le secteur sanitaire et social est particulièrement touché, concentrant 44 % des emplois associatifs menacés.

Dans ce contexte, l’accès à une information financière fiable par les représentants du personnel devient déterminant. Elle permet d’anticiper les décisions, de proposer des alternatives et d’éviter que l’ajustement repose uniquement sur les emplois. Certaines données sont d’ailleurs publiques : les associations percevant plus de 153 000 euros de subventions doivent publier leurs comptes et les faire certifier par un commissaire aux comptes. En outre, un nombre croissant d’associations ont choisi ces dernières années de constituer des réserves. Selon la revue des dépenses précitée, le patrimoine financier des institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLM, catégorie incluant une partie des associations et des fondations, seule catégorie disponible en comptabilité publique) a augmenté de 26 milliards d’euros entre le premier trimestre 2020 et le troisième trimestre 2024, atteignant 101 milliards d’euros. Identifier l’existence éventuelle de réserves financières au sein d’une structure peut s’avérer un levier essentiel pour éviter (ou atténuer) un plan de licenciements économiques.