La crise sanitaire de 2019 a eu une influence majeure sur les organisations du travail, notamment en favorisant le développement du télétravail dans les entreprises. Durant cette période de confinement, puis d’installation durable du télétravail dans un grand nombre de sociétés, les salariés ont su démontrer que le contrôle managérial et le présentiel ne favorisaient pas nécessairement la qualité du travail réalisé.
Derrière ce compromis organisationnel, les salariés pouvaient ainsi bénéficier d’une souplesse facilitant l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, mais aussi limiter l’impact des temps de déplacement trop longs, réduisant ainsi la pression hebdomadaire. En parallèle, ils pouvaient organiser leurs tâches au fil de la semaine de façon à être plus productifs : réunions collectives en présentiel, tâches nécessitant davantage de concentration effectuées à domicile, etc.
Or, depuis quelques mois, les JDS constatent, à travers leurs relations avec les CSE, un revirement marqué d’une partie des employeurs sur ce sujet. Ces derniers cherchent à réduire le nombre de jours de télétravail, voire à dénoncer les accords existants et à demander à leurs salariés de revenir à 100 % en présentiel.
Le mouvement émane d’abord des grandes entreprises américaines et d’une tendance propre au sol américain. Par mimétisme, il semble que les employeurs français manquent d’imagination et suivent les pratiques de leurs confrères outre-Atlantique.
Un élu de CSE, confronté à un projet de retour à 100 % sur site, nous confiait par exemple que « le PDG a visité les bureaux aux États-Unis un vendredi et a cru que plus personne ne travaillait dans son entreprise ». L’implication des salariés pendant la crise sanitaire semble bien vite oubliée. Et pourtant, aucune étude sérieuse ne démontre que le retour en présentiel favoriserait la qualité du travail. Les accords permettant deux jours de télétravail par semaine sont, au contraire, souvent favorables aux salariés sans affecter la productivité de l’entreprise.
Derrière ce phénomène, les employeurs tentent de reprendre la main sur les salariés afin d’accroître les possibilités de pression au travail, et non de corriger une situation qui se serait dégradée. Les salariés ont largement démontré que le télétravail n’obère pas la qualité du travail, quand il ne l’améliore pas. Micro-management, augmentation des objectifs, surveillance et contrôle numériques, recours accru à des logiciels d’intelligence artificielle pour contrôler les salariés : autant de stratégies actuelles destinées à accentuer la pression sur les travailleurs.
Si cette tendance peut être comprise comme un mouvement conservateur d’employeurs qui ne « vivent pas avec leur temps », ce serait perdre de vue les transformations structurelles des salariés, qui se sont adaptés au télétravail. Complètement intégré à leur rythme personnel et professionnel, bon nombre d’entre eux (notamment des cadres franciliens) ont déménagé à des distances désormais incompatibles avec des allers-retours quotidiens. Les jeunes générations, quant à elles, recherchent ces systèmes souples d’organisation professionnelle. Il apparaît donc clairement que cette démarche constitue, pour certains employeurs, une forme de licenciement déguisé : une manière de pousser des salariés vers la sortie.




