Depuis l’ordonnance du 2 avril 2020, le gouvernement a autorisé les entreprises « particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » à prendre des décisions dérogeant au droit du travail pour les entreprises, par simple information préalable des représentants des salariés.
Nous constatons que les élus sont soumis à la pression de l’employeur qui sous couvert d’état d’urgence sanitaire prend des décisions économiques majeures qui ont et auront des répercussions sur l’emploi et les conditions de travail : télétravail, activité partielle, conditions de santé et de sécurité des salariés, etc. Les CSE ont été informés dans l’urgence de la situation exceptionnelle. Il faudra revenir dès que possible sur ces sujets, sur leurs impacts, sur les marges de manœuvre réelles de l’entreprise et l’identification des risques que personne n’avait jamais envisagés jusqu’à aujourd’hui.
Le recours à l’expertise, pendant cette période difficile et encore plus après le déconfinement, est un droit essentiel pour analyser les décisions de l’employeur et permettre aux élus de peser dans les conditions du retour à la « normale ». Pour ne pas céder au chantage que l’on entend déjà sur les priorités de l’entreprise en ces temps inédits et douloureux et porter la parole et les revendications des salariés, le CSE peut se faire assister d’un expert sur les consultations annuelles récurrentes de 2020. Le CSE peut également se faire assister d’un expert en santé au travail dans le cadre d’un projet important ou d’un risque grave.
L’expert vous permet de connaître précisément le montant du soutien de l’État que reçoit l’entreprise et ce qu’elle fait de cet argent !
Dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière, d’autant plus pendant cette crise sanitaire et économique sans précédent, l’expert peut aider les élus à comprendre la réalité de la performance économique de l’entreprise, le niveau des aides de l’État et l’effort demandé aux salariés. L’analyse de l’activité (arrêt, ralentissement, relation avec les clients et les fournisseurs) et du cycle d’exploitation (impact sur la trésorerie) est un sujet central pour comprendre les risques pesant sur l’entreprise et les emplois à la reprise. Grâce à l’expert, qui a le même accès aux données de l’entreprise que le Commissaire aux comptes, les élus peuvent analyser les marges de manœuvre financières existantes pour les revendications et les négociations pendant le confinement ou dès la reprise des activités. En particulier, l’analyse des impacts économiques et financiers du recours aux dispositifs d’activité partielle, des reports de charges (cotisations et impôts), mais aussi le recours à l’emprunt, doivent être expliqués et analysés. La vérification du calcul de la participation et de l’intéressement est aussi un sujet essentiel : dans le cadre des mesures d’urgence prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 ont en effet été aménagées les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation. Il est important aussi de mesurer les impacts de ces semaines de crise sur les budgets du CSE.
Avec l’aide de l’expert, analysez la politique sociale de l’entreprise pendant cette période
Les efforts demandés aux salariés sont considérables : baisse de salaires, télétravail, mais aussi risques pris pour leur santé et celle de leurs proches. Le recours à l’expert lors de la consultation sur la politique sociale en 2020 permet d’analyser toutes les informations sur les situations inédites de travail, les impacts sur l’emploi, des décisions qui affectent la santé des salariés et leur sécurité. Nous constatons des plannings de réunion en visioconférence incompatibles avec la vie personnelle des salariés, l’abus du recours aux dispositifs d’activité partielle alors que la charge de travail est maintenue, des reports de charge sur des sous-traitants/prestataires : l’expert peut accéder à une information précise sur ces situations, que ce soit l’expert économique par des informations chiffrées ou l’expert en santé conditions de travail par une enquête auprès des salariés sur leur travail pendant cette période et les impacts psychologiques vécus, individuels ou collectifs.
Grâce à l’expertise sur les orientations stratégiques, travaillez sur les scénarios de sortie de crise
Quelle que soit la durée du confinement, la crise actuelle fait chuter d’ores et déjà d’un tiers l’activité économique de la France. Le retour à la « normale » ne se fera pas rapidement. Non seulement les modèles économiques des entreprises françaises, mais les chaînes de valeur de filières entières sortiront désorganisées de cette situation inédite et rarement anticipée. L’expert du CSE peut travailler avec les élus sur les scénarios de sortie de crise et les ambitions de l’entreprise pour les mois et années à venir lors de la consultation sur les orientations stratégiques. Il est possible d’espérer une prise de conscience sur les limites d’un système économique basé sur la mondialisation, le productivisme néolibéral et le dumping social. Le CSE aura d’autant plus la possibilité de questionner ses sujets lors de cette consultation que l’expert aura pu détailler le soutien apporté à l’entreprise par l’État.
Avec l’aide de l’expert, analysez les conséquences d’un projet de réorganisation sur les conditions de travail.
Dans le cadre d’une procédure d’information / consultation du CSE sur un projet de réorganisation, l’expert peut vous aider à appréhender les impacts du projet sur les conditions de travail futures. Pour ce faire, l’expert est là pour recueillir le travail réel des salariés, les ressources et les contraintes au travail en regard d’un projet de réorganisation. Il s’agit de donner la parole aux salariés et d’être au plus près du terrain et de ne pas se contenter de recueillir une parole sur le travail qui serait en surplomb. Le déconfinement risque d’être une opportunité pour les directions de présenter des projets de réorganisation, projets qui pour certains étaient déjà dans les cartons. Or, la période que nous vivons est très difficile notamment en termes de conditions de travail. Plusieurs situations sont à observer – les salariés en première ligne qui vont travailler dans des conditions de tension majeure avec la peur au ventre d’attraper le Covid 19, les salariés en télétravail qui sont souvent en surcharge et en situation d’isolement, et enfin les salariés en chômage partiel qui sont pour beaucoup dans une insécurité socioéconomique. Faire face après cette période à une réorganisation sera d’autant plus déstabilisant. Le CSE, dès lors qu’il est consulté, pourra faire appel à un expert pour l’aider à saisir tous les enjeux et à rendre un avis argumenté et éclairé sur le dit projet.
Grâce à l’expertise pour risque grave, appréhendez les dysfonctionnements organisationnels qui ont des conséquences sur la santé au travail.
Cette période de confinement est très difficile pour les salariés alors que les conditions de travail de certains étaient déjà bien détériorées avant la pandémie – intensification, perte de sens au travail, manque de reconnaissance, mode de management anxiogène…- Le CSE peut, s’il constate des signes de dégradation des conditions de travail, voter le recours à une expertise pour risque grave. Pendant et après la période de confinement, l’expertise aura pour objectif de faire le lien entre l’organisation du travail et les effets induits en termes de santé au travail. Nous conseillons aux élus de prendre contact en amont de leur vote, ceci afin de caractériser le risque grave et de sécuriser juridiquement la démarche. Enfin, l’expertise n’a pas pour vocation de déterminer le risque grave, mais d’identifier les causes et de proposer des recommandations pour faire cesser le risque ou le réduire.
Les pressions risquent d’être fortes de la part des directions dès lors que les élus feront valoir leurs prérogatives. Il s’agira de faire face pour agir et non subir dans un contexte où les arguments économiques vont prévaloir sur tous les autres sujets. Et notamment sur l’aide, les conseils, l’accompagnement que les experts peuvent apporter aux instances représentatives du personnel. Il est donc important de continuer à se doter de ressources extérieures comme continueront à le faire les entreprises, ceci afin de rééquilibrer les rapports de force dans un contexte de tension majeure.
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Par Juliette Pavis, Expert auprès des CSE et Lydia Couchaux, Expert SSCT