Saisie de la contestation d’un licenciement pour faute grave, la Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt en date du 27 juin 2024, apporte un éclairage sur l’atteinte portée par l’employeur à la liberté fondamentale du salarié d’ester en justice.
A l’origine de l’affaire, un salarié chauffeur poids-lourd avait souhaité évoquer un différend salarial avec son employeur au cours d’un entretien informel, lequel s’était révélé infructueux. Après avoir déclaré à son employeur que faute d’accord, « ils se reverraient devant le conseil de prud’hommes », le salarié a reçu une convocation à un entretien préalable en vue d’un licenciement assortie d’une mise à pied à titre conservatoire, l’employeur lui reprochant notamment un abandon de poste. Il a été licencié pour faute grave quelques jours plus tard et a saisi la juridiction prud’homale pour demander la nullité de son licenciement.
Ayant été débouté par les premiers juges, le salarié a interjeté appel, soutenant que son licenciement était nul en ce qu’il constituait une violation de la liberté fondamentale d’ester en justice. Il rappelait en effet que l’employeur lui avait reproché sa volonté de saisir la justice d’une demande salariale, tandis qu’aucune autre faute ne pouvait lui être imputable.
La cour d’appel donne gain de cause au salarié et fait application du principe selon lequel est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur.
Maître Emmanuel Gayat, avocat associé du cabinet JDS avocats en charge du dossier, précise que « la lettre de licenciement reçue par le salarié lui reprochait d’avoir indiqué à l’employeur qu’il comptait saisir la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir un rappel de salaire. Cette seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse envisagée est dès lors constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice entraînant à elle seule la nullité de la rupture ».
CA Versailles, 27 juin 2024, n° RG 22/03616