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Sans diminution du temps de travail, la reprise économique risque de ne pas s’accompagner d’une baisse du chômage

Comme nous l’avions indiqué dans une précédente newsletter, l’INSEE prévoit un redressement important des taux de marge des entreprises dans les prochains mois. Le regard sur les projections macroéconomiques de la Banque de France de Mars 2021 nous en donne l’une des raisons : elle prévoit que des gains de productivité seront obtenus. Les gains de productivité du travail correspondent à l’augmentation du volume de biens et services produit par heure travaillée. « Nous retenons ainsi dans notre scénario central un point bas d’emplois en fin d’année 2021, avant un redressement en 2022-2023. La productivité par tête gagnerait en vigueur à partir de mi-2021 et serait très vigoureuse en 2022 avant de revenir vers des rythmes de progression plus habituels en 2023. », précise la Banque de France. 

En effet, comme le remarque l’économiste Michel Husson, d’après les prévisions de la Banque de France, à la fin de 2023, l’activité aura progressé de 2,8% par rapport à la situation d’avant la crise du Covid-19, tandis que le nombre d’heures travaillées resterait à un niveau inférieur à son niveau d’avant-crise, tout comme l’emploi salarié (inférieur de 1,3% à son niveau d’avant crise). 

Les prévisions de la Banque de France dessinent ainsi l’économie de la France post-covid : des entreprises qui retrouvent la croissance économique, mais avec un taux de chômage qui reste très élevé, car le travail n’est pas suffisamment partagé. Chaque heure travaillée générera plus de valeur économique qu’avant la crise sanitaire, mais des millions de salariés resteront sur le carreau, car les gains de productivité risquent de ne pas être utilisés en faveur de l’emploi et des salariés. 

D’après Michel Husson, il y a trois principales façons d’utiliser les gains de productivité :  l’augmentation du salaire réel moyen, la réduction de la durée du travail et l’augmentation ou la baisse de la part des profits. Il indique notamment dans le dictionnaire des inégalités qu’entre 1960 et 1974, les gains de productivité ont progressé significativement et ont été utilisés pour augmenter les salaires et baisser le temps de travail, tandis que les profits restaient stables.  Depuis cette date, les gains de productivité sont plus faibles, mais les profits ont augmenté, au détriment des salaires et de la réduction du temps de travail. C’est l’une des raisons principales du niveau important du chômage en France depuis des décennies. 

L’un des enjeux de la période qui va s’ouvrir, quand l’économie sera à nouveau intégralement ouverte, c’est donc l’utilisation des gains de productivité, pour qu’ils ne soient pas intégralement utilisés pour augmenter les profits, mais qu’ils bénéficient plutôt à l’emploi. Avec l’augmentation de l’activité des entreprises, petit à petit, le nombre total d’heures travaillées en France, qui a baissé 7% en un an , va augmenter. Si l’augmentation des heures travaillées et de la productivité se fait principalement en augmentant le temps de travail des salariés qui n’ont pas perdu leur emploi pendant la crise, le chômage ne se résorbera pas. C’est malheureusement la pente voulue par de nombreuses entreprises, pour soutenir leurs profits. Si, au contraire, cette augmentation des heures travaillées se réalise en embauchant massivement, par le biais notamment de la réduction du temps de travail financée par la stagnation ou même la diminution des profits, le chômage pourra enfin baisser.