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Les outils de communication numériques génèrent des risques professionnels qui ne sont pas suffisamment évalués

Avec la rapide digitalisation du monde du travail au cours des dernières décennies, le recours aux outils de communication numérique s’est généralisé. Les courriels, les téléphones portables et plus récemment les outils de visioconférence, de messagerie instantanée et de « collaboration numérique » (type sharepoint) ont profondément changé le visage du travail en permettant des échanges toujours plus rapides et complexes sur des distances plus importantes. Les entreprises, conscientes des gains de productivité que ces outils permettent, les implémentent souvent sans analyser et anticiper leurs impacts sur les conditions de travail des salariés. Ces impacts sont pourtant réels et ont été détaillés dans une brochure publiée par l’INRS en mai dernier intitulée « Communiquer avec les outils numériques – Risques et pistes de prévention ». 

Des risques peuvent tout d’abord apparaître du fait d’erreurs dans l’usage de ces modes de communication. Si les nouveaux moyens de communication ont tendance à s’ajouter aux autres formes de communication existant (notamment les discussions en face à face) sans les remplacer, les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) peuvent aujourd’hui parfois se substituer aux échanges physiques, y compris pour des intervenants à proximité. Les messageries instantanées ont ainsi pu remplacer les discussions de couloirs dans des espaces trop ouverts ou trop bruyants. Les modes de communication ne sont pourtant pas interchangeables et ne présentent pas les mêmes avantages et inconvénients. L’échange en face à face permet une richesse sémantique inégalée (notamment du fait des éléments non verbaux communiqués comme l’expression faciale ou la position du corps) qui en fait le mode de communication à privilégier pour les sujets sensibles ou complexes. Parmi les TIC, certains modes sont plus adaptés aux échanges nécessitant une réponse urgente que d’autres. Les erreurs d’usages peuvent augmenter les risques de déperdition d’information, mais aussi noyer les salariés sous les informations et rendre leur travail plus complexe et plus stressant (ce risque est particulièrement présent dans les structures où beaucoup d’informations sont diffusées par email pour laisser des traces). Une organisation du travail efficace et protégeant ses salariés ne peut utiliser ces outils sans passer par deux étapes : un travail d’identification des besoins et des moyens de communication adaptés et un travail de formation des salariés à l’utilisation et au bon usage de ces outils. 

Les TIC peuvent par ailleurs aggraver certains risques déjà présents dans une organisation. La « culture de l’immédiateté » peut intensifier le travail de salariés invités à répondre à toutes les sollicitations le plus rapidement possible. Elle engendre aussi des interruptions du travail qui peuvent en détériorer la qualité et renforcer son intensité et sa complexité. La multiplication des communications, y compris d’intérêt limité pour les salariés, peut mener à des formes de surcharges mentales et renforcer le sentiment de ne pas bien faire son travail. Si ces différents risques sont avant tout le fruit de dysfonctionnements de l’organisation du travail (ils sont notamment liés à des charges de travail trop importantes ou à des tensions dans les rapports sociaux), ils peuvent ainsi être aggravés du fait de l’augmentation du rythme des échanges et du brouillage de plus en plus important entre sphère professionnelle et sphère privée.