Le 15 février dernier, 5 parlementaires de la majorité ont remis au ministre de l’Économie Bruno Le Maire un rapport intitulé « Rendre des heures au français ». Il présente 14 mesures visant à détricoter toute une série de réglementations au nom de la simplification. Sont particulièrement dans le viseur, le droit du travail et certains acquis sociaux des salariés.
La proposition n°4 prévoit « d’alléger les obligations des trois principaux seuils 11 – 50 – 250 [salariés impliquant la mise en place des CSE] en les translatant ». Concrètement, cela revient à supprimer les CSE aux prérogatives élargies (aujourd’hui à partir de 50 salariés) dans toutes les entreprises de moins de 250 salariés. Outre le caractère profondément désastreux socialement, c’est toute l’architecture de la prévention des risques professionnels qui s’effondrerait.
Effectivement, à ce jour, dans les entreprises de 11 à 49 salariés, les représentants du personnel ne sont qu’acteurs de « la promotion de la santé au travail » quand, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, ils procèdent à l’analyse des risques professionnels, contribuent à faciliter l’accès des femmes à tous les emplois, facilitent l’accès et le maintien en poste des travailleurs handicapés et peuvent susciter toute initiative de prévention du harcèlement moral et sexuel.
Les CSE des entreprises de 50 salariés et plus disposent en outre de nombreux droits et prérogatives supplémentaires en matière de santé au travail. Ils peuvent réaliser des inspections de sites, sont consultés annuellement sur le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnelles (DUERP), le bilan annuel de santé au travail et le plan de prévention des risques professionnels (PAPRIPACT). Les représentants du personnel ont également accès à des experts habilités qui peuvent les appuyer dans l’analyse des situations de santé et de conditions de travail en cas de projet de réorganisation, de licenciements collectifs ou de risques graves.
Relever les seuils serait donc catastrophique pour la protection des salariés alors même que la France reste le plus mauvais élève de l’Union Européenne en matière d’accidents mortels au travail. Les entreprises de moins de 250 salariés représentent plus de 90% des entreprises en France et emploient près de la moitié des salariés équivalents temps plein. Par ailleurs, les entreprises les plus grandes sont celles où, en proportion, les salariés sont les moins exposés aux accidents du travail. Ainsi, d’après les données de l’Assurance Maladie, en 2021, les entreprises de plus de 200 salariés représentent 25% des accidents du travail. Relever les seuils tel que le propose le rapport parlementaire revient donc à supprimer des dispositions de prévention dans les entreprises concentrant 75% d es accidents au travail.
Ce rapport est clairement préparatoire à la nouvelle loi sur le travail annoncée par le Président de la République. Après la destruction des CHSCT et alors même que le Plan Santé au Travail 2021-2025 coordonné par le Ministère du Travail a explicitement pour objectif de « renforcer le paritarisme au bénéfice de la prévention », le gouvernement cherche à se débarrasser des CSE dans la grande majorité des entreprises du pays. Avec eux, ce serait notamment la santé des salariés au travail qui serait passée par pertes et profits.